Le Karlag : les camps de travaux forcés lors de la seconde guerre mondiale

 

Karaganda – Kazakhstan

 

Le Kazakhstan est indépendant depuis 1991 mais dès 1993, le président a créé une loi pour réhabiliter les victimes de la répression politique des Soviets. Plusieurs musées retracent l’histoire mais le petit musée du KarLag, situé dans un tout petit village, Dolinka, est situé sur l’un des camps d’autrefois. J’y suis venue spécialement, c’est très émouvant, j’en ai même pleuré, j’ai ressenti la même émotion qu’à Auchwitz.

Shymkent – Kazakhstan

Un petit musée à Shymkent relate aussi la tragédie de la nation, symbolisée par le « Kullager », le légendaire cheval d’un poète kazakh assassiné. Le noir représente le deuil, le gris la couleur du NKVD et le rouge le sang.

Shymkent – Kazakhstan

En 1918, les Bolcheviks déclarent la « terreur rouge » contre les ennemis potentiels du régime au terme d’une « commission extraordinaire de la Russie ». Selon les médias étrangers de l’époque, plus d’1 777 000 personnes sont mortes exécutées.

La terreur rouge est une idéologie politique répressionniste instaurée par le régime soviétique. La terreur et la dictature du prolétariat sont le résultat fratricide de la guerre civile de 1918-1920 apparue au Kazakhstan, accentuée par la famine en 1920. La famine a causé la mort de plus de 3 millions de Kazakhes et l’émigration de plus d’un million d’entre eux vers la Chine, l’Afghanistan et l’Iran. La famine a poussé les gens à manger les carcasses de chevaux, les poubelles et de l’herbe.

Le KarLag un musée très bien fait, traduit en anglais, qui a recréé les camps, les cellules, etc…

 

 

Les camps

Karaganda – Kazakhstan

L’aire du goulag s’étend sur 2 millions d’hectares !! 1000 subdivisions comprennent 26 sections : une d’entre elle est appelée ALZHIR (Akmolinsk camp) pour les femmes des traîtres à la patrie ou des figures du pays qui ont été emprisonnées et stigmatisées par la société.

Ces femmes arrêtées étaient en prison sous haute sécurité. Leurs conditions étaient pires une fois que la sentence révélait qu’elles étaient des traîtres politiques (nettoyer les eaux usées etc). Elles pouvaient envoyer 2 lettres par mois et en recevoir 2. Elles pouvaient emprunter 2 livres à la bibliothèque tous les 10 jours seulement mais il était interdit de prendre des notes, de s’asseoir dos aux fenêtres, de communiquer en faisant du bruit sur les murs, etc.

Karaganda – Kazakhstan

Le musée a recréé les cellules d’antan : sont envoyés en cellule d’isolement, les prisonniers qui ont voulu faire une sieste dans l’après-midi, qui ont pris contact avec d’autres prisonniers en morse, etc. Le prisonnier avait 300 grammes de pain par jour et un verre d’eau chaude. Un dîner chaud était donné tous les 3 jours.

Ils étaient debout à 6 h tous les jours, ne pouvaient marcher que de 30 à 45 minutes par jour seulement, ils ne pouvaient s’asseoir que sur une chaise ou par terre dans leur cellule, sachant qu’il n’y avait pas de toilette (ils devaient appeler les gardes). La lumière était toujours allumée, même la nuit.

Karaganda – Kazakhstan

Certaines cellules étaient équipées d’instruments de torture : selon un document du NKVD de 1953, on pouvait battre, mettre des menottes en tordant les bras des prisonniers pendant 24h ou même plusieurs mois, les empêcher de dormir, leur jeter du chaud et du froid, etc. Tous les outils étaient possibles s’ils voulaient des aveux sur leur qualité d’espion ou d’anti-soviet ou leur activité terroriste.

Les prisonniers du Karlag ont pris part à la construction de voies ferrées, à l’industrie métallurgique, aux entreprises locales, aux mines de cuivre. Il a fallu 3 786 personnes pour construire le réseau ferré vers Zhezkasgan (ils installaient les rails puis le train avançait et les rails arrières étaient installés devant, etc…). Ils ont mis 2 ans. En 1946, 17 500 personnes travaillent dans les mines de Karaganda et Zhezkasgan.

Le premier camp est apparu sur le territoire de la République soviétique en 1918. Fin 1921, sur le territoire de l’URSS, il y en avait 122 !

En 1930, le gouvernement a légalement créé le goulag (camp de travail)… qui existera jusqu’en 1953 ! En 1940, le goulag compte 53 camps avec 1 000 départements, 425 colonies, 50 colonies pour mineurs et 50 baby houses !

Troika est une organisation composée de 3 juges qui accusent des innocents de trahison et les envoient à Moscou. Les conditions de vie ont été horribles. Des camps de travail forcé ont été créés en Ukraine et en Géorgie. Plus de 20 000 femmes sont passées dans ce camp en 10 ans.

Karaganda – Kazakhstan

La déportation a probablement été le plus grave crime et a détruit l’unité ethno-sociale et territoriale. Les Coréens ont souffert de la migration, mais aussi les Japonais, plus de 500 000 Bulgares, les Tchétchènes, 100 000 Tatars et autres trans-Caucasiens ont été déportés de force.

Le Kazakhstan est malheureusement devenu le sanctuaire des déportés et du goulag !

En 1936, 25.776 déportés sont arrivés au Kazakhstan depuis la Pologne et l’Ukraine. Puis 98.474 Coréens. En 1941, 70.000 Allemands sont déportés vers Karaganda puisqu’ils sont déclarés espions, fascistes et ennemis. Jusqu’en 1944, des déportés arrivent de Crimée, Tatar, des Balkans, de Grèce, des Bulgares, Arméniens, Trucs, etc.

En 1949, environ 40.000 familles vivaient à Karaganda, comprenant 117.043 personnes de différentes nationalités. Ils étaient isolés les uns des autres et affamés. Certains étaient obligés de travailler dans les fermes du camp : 70 entreprises et institutions étaient installées sur le camp en 1930 (mines, métallurgie, etc).

 

Le travail forcé

Karaganda – Kazakhstan

Le centre du karlag était situé au cœur du village de Dolinka, administré par Moscou. Il y avait ici des locaux administratifs, du personnel, des secteurs de vente, de transport, un tribunal et une prison.

Le camp principal était dédié à l’agriculture expérimentale dont l’un des buts était l’engraissement du bétail. En 1930, il existait 20 départements d’agriculture (fermes soviétiques).

Il résulte de la politique la famine, la confiscation des biens et la terreur. Les Kazakhs ont fui au Kirghizstan, en Ouzbékistan, au Turkménistan, en Chine et en Mongolie !

Karaganda – Kazakhstan

En 1931, 25 000 bovins et 19 000 moutons sont confisqués aux riches Kazakhs et Européens. En 1934, il y a 31 000 bovins, 19 000 moutons et 6 000 cochons. En 1951, 267 000 moutons, 14 000 cochons, 12 000 chevaux ! La région de Karaganda fournit 15 000 tonnes de pommes et plus de 8000 tonnes de légumes ! L’agriculture représente 51 % de l’activité économique du karlag.

Karaganda était la 3ème plus grande usine de charbon de l’URSS. Karlag était le camp de travail forcé dont l’unique objectif était la création d’une usine métallurgique et de charbon de tout le centre du Kazakhstan. Plus de 37.544 personnes y travaillaient en 1943 (principalement des Russes, Ukrainiens, Coréens, Allemands et Kazakhs (et autres).

 

Petit résumé historique

En 1925, le Small October Revolution a causé la terreur et le meurtre de 2 millions de personnes. Les propriétés des riches Kazakhes ont été confisquées et les nomades ont été interdits de bouger. Les figures publiques du pays ont été exilées.

En 1929, la rébellion a commencé à Tokyrau, les rebelles sont tués ou envoyés dans d’autres pays que l’URSS.

En 1930, le désespoir des affamés et des familles de tués induisent une révolte : en 3 ans, il y aura 372 soulèvements dans le pays (80 000 personnes y ont participé). Des leaders ont brandi des slogans « Down with soviet power. Long live kazakh government ».

1 030 000 personnes en 1931 sont parties (plus de la moitié !). L’armée s’est rebellée et en 2001, 10 000 personnes ont été arrêtées.

Karaganda – Kazakhstan

En 1931, d’autres rébellions ont suivi à Abraly, Bokty, Shubartau et Chingistau. A Bokty, 300 paysans rebelles sont arrêtés. Des prisonniers russes ont aidé les rebelles dans leur opération militaire, guidés par le slogan « Viva Alash ! ». Leur politique ont leur propre symbole, une bannière blanche avec la lune et des étoiles. 69 personnes ont fait l’objet de poursuites dont 19 ont été tuées. Un décret en 1990 a procédé à l’entière réhabilitation des rebelles de 1931.

Suite à une enquête de 1932, la situation sociale et économique s’est améliorée (un temps) en ouvrant des écoles, hôpitaux, théâtres, etc.

En 1937-38, c’est le temps où la répression a été la plus dure ! Plus de 9 000 communistes ont été exclus du parti et Staline a déclaré la nécessité de « détruire tous ceux qui sont contre la politique de Staline ». En 2 ans, 14 000 Kazakhs sont morts.

En 1953, Staline décède et le culte de sa personnalité va être fêté pendant des années.

La réhabilitation du pays ne se fera que lors de son indépendance en 1991, à la chute de l’URSS.

En 1986, des jeunes s’insurgent pour l’indépendance du pays.