Varanasi et l’appel du Gange
Dès la sortie du Rajasthan, les trains vont perdre leur ponctualité. Le train entre Agra et Varanasi a 7 heures de retard. Les trains de très grandes lignes (Kolkata – Agra par exemple) sont soumis aux conditions météorologiques : tu es donc sûr qu’en plein hiver, il y aura du brouillard au moins une fois sur les 24 h de trajet prévues et donc qu’il y aura des ralentissements.
Ce n’est pas grave, c’est que la deuxième fois que ça nous arrive et ça nous permet de se reposer un petit peu. On a évidemment fait la connaissance de nos voisins de couchette. Il y en a même un qui a partagé son repas.
“L’Inde est l’exemple même de l’hospitalité”
On en a profité pour discuter des relations amoureuses – on se fait draguer tout le temps alors autant en profiter pour chercher à comprendre comment ça fonctionne ici. Ce jeune voisin de couchette a une copine depuis plus d’un an qu’il n’a jamais rencontrée… alors qu’elle habite dans la même ville !
Un peu comme les Arabes, ils ont peur du ‘qu’en dira-t-on’… même aller boire un coup avec ses amis et les siens ne s’est jamais fait… c’est vraiment curieux !
Dire qu’on est en couple avec quelqu’un qu’on n’a jamais vu de notre vie en réel… ça nous paraît surréaliste.
On a fini par arriver à Varanasi dans un hôtel qui nous propose pour le petit-déjeuner des biscotte et du thé. Non mais… où est passé notre Puri ?!
Nous avons vu dans un autre hôtel, OK international, bien situé à quelques mètres d’un des principaux ghâts longeant le Gange, une souris dans la cuisine… cela ne nous a pas coupé l’appétit alors qu’en France, nous serions parties, non sans un petit scandale 😉
L’atmosphère de Varanasi
Que dire de nos activités à Varanasi puisque nous avons principalement effectué des balades sur les ghâts, le long du fameux Gange.
On a rencontré plusieurs Indiens intrigués par le français dont Sun & Rabi puis Mowglie qui nous a expliqué le fonctionnement du principal crématorium et nous en a montré les rouages, les “coulisses”.

Inde – Varanasi
La quantité de bois utilisée lors d’une crémation dépend du montant total donné par les familles. Il sera ensuite pesé ici.
Nous préférons ne pas en raconter plus à ce sujet : Varanasi est composée d’une atmosphère dont il faut venir s’imprégner, Bénarès se vit, ça ne se raconte pas.
Qui que vous soyez, vous serez les bienvenus en tant qu’observateurs et les Indiens seront ravis de vous expliquer la chronologie de la crémation et la famille n’est pas choquée ou mal à l’aise que des étrangers y assistent ; c’est comme ça ici. Mais respectez le fait que les photos y soient prohibées et soyez discrets, c’est un minimum de respect.
- Inde – Varanasi Premier cours d’Hindi avec Sun…
- Inde – Varanasi … avant d’aller déjeuner chez lui.
La cérémonie Aarti

Inde – Varanasi
La photo ci-dessus illustre la cérémonie de l’aarti (Ārtī ou āratī ou आरती) qui est un rituel hindou qui tend à faire brûler des mèches imbibées de camphre, en priant. Les cérémonies ont lieu le matin et le soir, au minimum.
Des sons de cloches et des chants accompagnent le rituel afin que les bénédictions des dieux se répandent sur ses fidèles. En sanscrit, « Ā » signifie « vers », et « ratī » signifie la « vertu », ou ce « qui est droit »,
En se projetant sur leurs fronts avec leurs mains la fumée qui sort de la lampe, cela les couvre d’une bénédiction purificatrice, qui, après être venue de la divinité jusqu’à la flamme, se répand maintenant sur les dévôts.
Ce beau rituel auquel nous avons assisté presque quotidiennement rend chaque moment de la soirée un peu plus spécial d’autant plus que le froid commence à nous transpercer. Les pensées spirituelles battent leur plein.
Les prêtres sont reconnaissables à leur espèce de toge, le dhoti et le kurta, qui se lie étroitement avec une longue serviette.
Avant que cela ne commence, ils vont collecter 5 planches, une lampe à huile, des fleurs, des bâtons d’encens, une coquille de conque et une grande lampe en laiton. Vous verrez ensuite un groupe de jeunes prêtres commençant l’aarti de manière très organisée et synchronisée.
“C’est alors que nous avons compris quelle tournure allait prendre notre voyage en Inde, un virage spirituel si l’on peut dire. Spirituel dans le sens “qui appartient à un domaine moral, distinct des réalités du monde sensible et de la vie pratique”
“Oui, à Varanasi, on apprend à apprécier chaque instant, à respirer, à profiter des secondes passées, à prendre conscience de soi-même”
C’est une connaissance de soi un peu plus profonde que nous faisons ici. Tout ça a été inconscient, bien sûr, mais le chemin parcouru intellectuellement s’est ressenti lors du retour en France, quel que peu difficile.
La seule chose dont nous avions la pleine-conscience était vraiment la notion de “Carpe diem” : vivre chaque jour qui se présente au maximum et le vivre le mieux possible.
Découvrir l’Inde, c’est aussi remettre en question nos habitudes puisque grâce à toutes nos rencontres avec les Indiens, nous avons eu la chance de rencontrer des locaux avec lesquels des discussions très intéressantes ont été engagées.
Nous avons appris que la place des mamans est particulière ici, notamment pour les garçons. Ils sont tellement attentionnés envers elles qu’on en devient indignes de ne pas vivre avec les nôtres jusqu’à notre mort… Car ici, oui, les garçons ne quittent jamais leurs parents et ils vivent ensemble sous le même toit, toutes générations confondues.
Le fils qui se marie aménage chez ses parents avec sa femme. A contrario, c’est toujours la fille qui quitte le nid familial… il y aura de temps en temps quelques similitudes avec nos amis arabes 😉
Le lien entre un fils et sa mère va du début de la vie jusqu’à la mort – et apparaît très curieux ici.
Etre assises à regarder les gens passer et assister à ces cérémonies nous rend silencieuses. Ségo et moi restons pensives quelques fois avant de continuer notre chemin.
Inconsciemment et consciemment, on est amenées à réfléchir sur la mort et notre façon de l’appréhender, à l’européenne va-t-on dire. Constater un rythme de vie et de pensées différents des nôtres nous oblige à sortir de nos modes de pensées classiques.
Les autres cultures et coutumes sont très inspirantes et aident à nous remettre en question parce que c’est aussi cela, le but de la vie, non ?
Je pense qu’après Varanasi, la vision de la mort – et de la vie – s’est modifiée quelque peu. Il est difficile d’expliquer clairement alors je n’ai rien d’autre à dire : allez explorer vous-mêmes Varanasi !

Inde – Varanasi
Voir le lever de soleil est raté mais rien ne vaut l’ambiance de Varanasi dans ce brouillard (humide et brumeux) et de constater le réveil de la ville et de ses habitants.

Inde – Varanasi
ici, personne ne manquera jamais à manger car des énormes marmites sont préparées pour donner à manger aux nécessiteux.
- Inde – Varanasi
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- Inde – Varanasi
- Inde – Varanasi Voir le lever de soleil est raté mais rien ne vaut l’ambiance de Varanasi dans ce brouillard (humide et brumeux) et de constater le réveil de la ville et de ses habitants.
Cela nous a permis en partie de faire le point sur le ‘karma’ avec les Indiens que nous avons eu la chance de rencontrer.
Le karma
Le karma, tel que défini par le dictionnaire, est « un dogme central de l’hindouisme et du bouddhisme selon lequel la destinée d’un être est déterminée par la totalité de ses actions passées, de ses vies antérieures ».
Souvik m’a dit : « le karma est le cycle de la vie. Chaque chose a ses conséquences, bonnes ou mauvaises et j’ai une vie positive ou négative car ce que j’ai fait avant influence ma vie actuelle. Le karma se respecte en respectant le dharma dont il est l’un des aspects et vise à atteindre moksha. Contrairement à ce qui peut être dit à Varanasi, il ne faut pas forcément croire en la réincarnation mais il faut se concentrer sur les énergies (pierres etc) qui, elles, se transmettent d’une vie à l’autre. Nous ne pouvons pas lutter, il faut accepter son malheur et son bonheur ».
Girish nous a aussi dit : « tout ce que tu fais de bien ou mal constitue ton karma. Ton futur dépend de cela, même après ta mort et la renaissance. Le livre sacré, Bhagvat Geeta t’oriente à ne pourtant pas penser aux résultats et aux récompenses que tes actions pourraient engendrer. Ton comportement voudrait que tu aides les autres (spontanément), peu importe sa forme, ou qu’au moins, tu ne heurtes personne. Par exemple, Lord Krishna a dû faire face à son karma : il est décédé parce qu’un chasseur a voulu tuer un animal – même si une de ses flêches est restée bloquée dans son arc. Dans une vie précédente, Lord Rama (Lord Krishna) a fait une action similaire : tout en étant caché, il a tué d’une flêche un roi nommé Bali. Par conséquent, l’énergie n’est jamais détruite mais elle est transmise à la nature et on renaît ou meurt selon les énergies créées et transmises. Cependant, il ne faut pas être focalisé sur le fait que toutes nos actions de la vie ont des conséquences sur notre prochaine vie… ».
Un peu comme Jacques le Fataliste de Diderot, nous sommes parfois un peu étonnées et le fait de se dire que nos vies sont influencées par les précédentes me rendront les plus pessimistes encore plus fataliste que Jacques en pensant que leur vie est déjà jouée et que rien ne pourra la modifier mais rendront courageux les plus optimistes afin de rendre la vie suivante positive…
Nikhil nous a aussi expliqué que beaucoup d’Indiens – femmes et hommes – portent des pierres sur eux, en bijoux. Ces pierres sont données par une personne qualifiée selon la date de naissance et la pierre, selon les astres, aidera à jouer un rôle positif dans ta vie.
Varanasi nous a amenées au Gange et nous avons toujours eu envie d’y revenir, même quand l’envie nous a pris de nous immerger dans cette ville de 3 millions d’habitants.
Nous avons toujours eu cette envie de revenir longer le Gange, comme aimantées par ce fleuve sacré.
C’est pourquoi quand notre train a été retardé de plusieurs heures, nous y avons vu là un signe de la vie.
- Inde – Varanasi
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Le train, un périple épique
Bénarès est une grande ville très embouteillée. Nous avons essayé la voiture, le tuktuk à vélo, le tuktuk électrique et le tuktuk à moteur. Aucun de ceux-là n’est à privilégier puisque la circulation est, quoi qu’il en soi, bouchée.
Nous avons été un peu en retard et c’est la première – et seule fois – où nous avons demandé spontanément un tuktuk ! Quelle idée… tous les tuktukeurs ont commencé à se battre pour nous et à s’engueuler suite aux réductions de prix incessantes…
Finalement, 2 policiers descendent et nous laissent leurs places dans un ricksaw 🙂 Arrivées à la hâte à la gare, en sueur, en courant et rigolant en même temps, c’est alors que, dans cette immense gare où tu sautes par-dessus les gens assis et couchés par terre, nous apprenons que notre train est retardé de 7 heures.
Nous allons au guichet nous faire confirmer le tableau et les dires des Indiens : effectivement, comme la ligne Delhi-Varanasi-Kolkata est très longue, il y a eu des ralentissements la nuit précédente.
Quelques heures à patienter, pas de souci, il y a le wifi 😉 C’est alors qu’on s’installe en waiting room (la seule fois où il y a un vigile) et où Ségo en profite pour dormir un peu sur les bancs complètement défoncés !

Inde – Varanasi
La nuit va commencer à tomber et on décide de laisser nos sacs dans la lock room (en signant une décharge acceptant le fait que nos sacs pouvaient être mangés par des rats… bon si ça leur fait plaisir, on le signe, ça nous soulagera le dos pour quelques heures 🙂 )
C’est avec une immense joie que nous retournons à Varanasi ! Une fois la nuit tombée, près du Gange, parfois à suivre les crémations qui ne s’arrêtent jamais, quelques Indiens sont venus nous dire que Varanasi n’était pas safe la nuit : c’est une information très utile à avoir mais on se sent bien, on traîne un peu avant de rentrer. L’atmosphère brumeuse s’accorde très bien avec l’atmosphère spirituelle qui règne ici.
Heureusement que l’application (+remettre le lien) est formidable puisqu’elle permet de savoir, minute par minute, où est le train exactement et à quelle heure l’arrivée est prévue dans chaque gare… Nous avons donc toute la nuit effectuer des va et vient entre le Gange et la gare pour finalement profiter de Varanasi jusqu’au lendemain au déjeuner puisque notre train a été retardé de 24 heures.
Sur la route pour aller à la gare, on rencontre un chauffeur de Ferrari (mais si, le Super Tuktuk…) qui nous invite à boire un verre et à conduire son engin, l’occasion pour Ségo de maîtriser la conduite à gauche et, à moi, de profiter d’une séance de “comédie amoureuse” comme au cinéma…
Ségo n’ayant pas répondu aux avances du chauffeur, nous avons marché jusqu’à la gare et dormi un petit peu dans la waiting room – mais pas trop parce que nous savons que toute la journée du lendemain, nous la passerons dans le train, à patienter…
Après le réveil de Ségo, nous voilà encore reparties sur le Gange pour profiter de la cérémonie aarrti du matin et pour s’imprégner de l’atmosphère brumeuse et humide de la ville… qu’on aime ça… la ville est calme et se réveille doucement…
- Inde – Varanasi
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Nous partons ensuite déjeuner dans notre restaurant fétiche trouvé par hasard – le propriétaire nous a fait crédit sans problème car nous n’avions pas assez! Alors qu’en France, on te demande ta carte d’identité et tes adresses sur les 5 dernières années (j’exagèèèère).
A chaque fois qu’on revenait, on se disait que, quand même, c’est un signe… on devrait rester ici, ne plus aller à Kolkata… heureusement que nous avions un mariage indien qui nous motivait pour partir…
Cette ville nous a envoûté !

Inde – Varanasi
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- Inde – Varanasi
- Inde – Varanasi Ségo médite ?!
- Inde – Varanasi
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En se promenant pour la (dernière?) fois, nous rencontrons Vishnou dans son shop de thé où on achète du thé en souvenir et pour faire du chai.

Inde – Varanasi
On finira par, enfin, prendre le train, à sympatiser avec nos voisins de couchettes et à s’endormir comme des masses, direction Kolkata, pour participer à un mariage indien.
- Inde – Varanasi
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- Inde – Kolkata

Inde – Varanasi