Le retour d’Inde, un retour déchirant
Nous lisons pas mal d’articles exprimant le vécu de chacun, surtout concernant quelques personnes qui se sont senties en plein désarroi, comme si l’Inde leur tombait sur la tête, tel un ouragan qui dévale tout sur son passage.
Il est vrai que Sarah était préparée à ce voyage, quelques amis Indiens rencontrés à Bruxelles ayant permis un échange verbal enrichissant sur les différences culturelles et sociales. Ségolène était (beaucoup) moins préparée. Du moins, nous l’avons été inconsciemment, chaque personne au courant de notre séjour nous rappelant oh combien il était dangereux d’aller en Inde, voire inutile ou totalement inconscient.
Il est vrai que ce pays n’est pas un choix anodin – surtout qu’il est le premier pays hors de l’Europe où nous nous aventurons.
Aller en Inde est un choix qui peut être motivé par plusieurs raisons personnelles mais qui nécessite une ‘préparation’ mentale préalable.
Il est vrai que l’Inde est un pays où les déchets jonchent le sol, où les véhicules contournent les vaches et où les habitants sont nombreux. « Le sont-ils trop » nous a-t-on demandé à notre retour ? Comment pouvons-nous nous octroyer un droit de réponse ? Favoriser l’avortement pour maîtriser le nombre de naissances ? Prévoir une politique d’enfant unique comme en Chine ? Avant de crier au scandale de la surpopulation indienne bien assis confortablement sur votre chaise occidentale, allez en Inde et vous comprendrez sûrement que vos a priori sont infondés et que la surpopulation n’est pas si néfaste ou difficile à vivre.
Nous sommes plutôt indépendantes, toutes les deux, altruistes mais solitaires, et nous ne nous sommes jamais senties en inconfort, quelle que soit la situation. L’Inde est un pays qui accueille les bras ouverts tout un chacun, peu importe sa couleur de peau, son origine ou sa religion. Les bouddhistes, hindouistes et musulmans cohabitent sans mal – en apparence du moins. Pour avoir rencontré beaucoup de locaux, nous avons toujours ressenti une grande tolérance envers les différentes croyances individuelles.
Oui, notre beau pays des droits de l’Homme a beaucoup à apprendre – nous n’avons des « droits de l’Homme et du citoyen » plus que le nom… car les mentalités ont fait reculer la France et c’est là un bien triste constat.
Un autre échec sans appel constaté de notre côté : le capitalisme tue. C’est un slogan qui devrait s’inscrire sur les paquets de cigarettes, les magasins, devant les supermarchés, les banques, etc.
L’argent a évidemment ses vertus. Cependant, le consumérisme et le capitalisme se feront – inéluctablement – plus pressants et grandissants. Le capitalisme n’a qu’une seule source : l’homme. Nous voulons toujours plus, Nous avons plus, Nous voulons encore plus, Nous ne partageons pas nos richesses, Nous voulons plus en pillant nos voisins, Nous avons choisi de nous enrichir sur le dos d’autrui.
Il est assez dommage que le communisme n’ait jamais fait ses preuves en pratique puisque c’est un des meilleurs modes de consommation au monde : semer et récolter ensemble pour diviser les richesses en parts égales. C’est le mot ‘égalité’ qui a coincé… En tant que patrie prônant la « Liberté, Egalité, Fraternité », nous ne sommes en réalité qu’enfermés dans nos idées, des êtres égoïstes n’hésitant pas à combattre des pays, mêmes voisins et ça, pour avoir… quoi ? Finalement, qu’avons-nous gagné ?
La société de consommation pousse à acheter, produire en quantité des produits souvent de mauvaise qualité, pour autant que cela se vende et l’Etat sera satisfait.
Cela se fait évidemment au détriment de notre corps qui reçoit une alimentation par exemple qui n’est pas adaptée, qui est dépourvue de tout nutriment naturel indispensable (quand tout vient d’Espagne, pousse sous serre à n’importe quelle époque de l’année parce que l’eau est injectée à profusion… Un exemple en cliquant ici).
Ne vous inquiétez pas puisqu’ensuite, l’Etat aura trouvé un fabuleux remède ‘scientifiquement prouvé’ afin de pallier vos carences. Par contre, le traitement ne sera sur le marché que s’il est rentable… économiquement bien sûr ! Un petit tour sur ces quelques articles vous fera peut-être comprendre de quoi je parle : le premier issu de l’Humanité trouve ici, le deuxième est tiré de TV5 monde, le troisième se trouve en cliquant ici, un autre d’envoyé spécial par là et le dernier ici).
Pire… on sait que l’accès aux soins dépend en grande partie de la volonté du gouvernement et qu’au Brésil, la Ministre de la santé a imposé le prix d’une trithérapie à une dizaine d’euros, comment ne pas être révolté quand chez nous, il est encore à plus de milliers d’euros !
L’argent… ou les lobbys pharmaceutiques et des laboratoires… Pouvez-vous vous imaginer que 39 firmes pharmaceutiques ont intenté un procès à l’Afrique du Sud pour l’empêcher de commercialiser à bas prix les trithérapies ? Pourtant, je l’ai lu ici et là.
Un ami m’a raconté qu’un docteur indien qui a exercé et a été formé aux USA est rentré chez lui, en Inde. Il avait décidé d’opérer les patients selon le montant de leurs revenus financiers. Pour un même acte médical, les indiens ne payaient parfois rien alors que les touristes étrangers payaient des fortunes. Il a récupéré des brevets tombés dans le domaine public (de Bayer notamment) et y a travaillé avec ses collaborateurs.
Il est devenu évidemment assez connu assez et s’est fait une place, notamment en étant soutenu par certains politiques. Il est devenu un grand homme respectable et il n’a pas oublié d’où il venait et ses buts initiaux. Non, cet homme n’a pas été aveuglé par l’appel de l’argent. Ses rêves sont devenus de plus en plus grands et il s’est mis en quête de “soigner l’Afrique”. Quelle est sa plus grande difficulté d’après vous ? Les maladies ? Le manque de recherches et de médicaments ? Sa plus grande difficulté est d’être confronté à des personnes ayant des intérêts financiers et qui lui barrent la route, tout simplement. Au nom de l’argent, nous décidons du sort et de la santé de millions de personnes.
Evidemment, c’est scandaleux, comment laisser des populations mourir de faim, les piller en même temps, ne pas les respecter, importer des maladies puis promettre de les soigner ? Evidemment, tout cela est inimaginable… et pourtant.
Malgré tout, c’est grâce à des personnes comme lui (et heureusement il y en a d’autres) que j’ai envie de me battre aujourd’hui. A mon niveau.
“Il n’y a pas de petite solidarité et pas de petit partage” : Allons-y !
Je vous propose une petite vidéo vue sur France 5 à ce sujet.
Et si le bonheur était indissociable de l’argent, que changeriez-vous dans votre vie ? A priori, beaucoup de choses. Peut-être vous détacheriez-vous de certaines d’entre elles, matérielles et/ou immatérielles ? Nous tous avons appris, compris, grandi et évolué dans un monde où l’argent appelle l’argent. Peut-être allez-vous nous traiter d’utopistes ou d’idéalistes mais au moins nous sommes a minima réalistes.
Evidemment, l’Inde n’est pas un idéal, un tel pays n’existant pas… a priori… car peut-être irons-nous faire un tour à Auroville lors d’un prochain séjour indien, prévue fin 2018.
Le capitalisme, ce fléau engendré et entretenu par tous
Nous sommes rentrées en pleurant… nous voulions simplement rester là-bas, en Inde, le pays aux 1000 couleurs où les garçons s’habillent en rose sans être jugés.
Ce n’est pas parce que c’est la fin des vacances mais nous pleurons parce que nous souhaitons rester ici, dans ce pays si simple avec des gens ordinaires qui nous apportent tellement d’enrichissement intellectuel, un point de vue différent et des aspects de la vie qui nous étaient jusqu’alors inconnus – oui, à 26 ans, nous ouvrons les yeux sur ce qui existe ailleurs qu’en France et c’est cela qui nous fait pleurer !
L’Inde est un coup de pied au derrière. Alors qu’en Europe, on court après le dernier outil technologique tout juste sorti, en Inde, les gens partagent tout ce qu’ils ont : ils s’échangent leurs vêtements, font manger les pauvres de leur village, s’occupent des membres de leur famille à demeure. Comment a-t-on pu faire pour, nous, occidentaux, nous éloigner de ces principes de base ?
Je rappelle que le capitalisme a des côtés positifs. Cependant, à terme, il est évident qu’il y a un fossé de plus en plus grand entre les riches et les pauvres…
Le monde étant très vaste, les mentalités y sont différentes. Les pays du nord ont une notion de ‘l’universalité’ développée quand ceux du sud sont plus égoïstes.
C’est déjà prouvé en France. Je viens de Provence où la mentalité de la région PACA est ce qu’elle est, nombriliste et égoïste. J’ai aussi vécu 2 ans à Bruxelles où l’intérêt général passe avant l’intérêt personnel. La France est comme prise d’assaut par différents modes de pensée.
Pour débattre du modèle des pays scandinaves comme la Finlande, la Norvège, la Suède, le Danemark ou encore l’Islande, ces pays ont comme principe fondamental l’universalité et le partage (c’est d’ailleurs le régime matrimonial par défaut). Concrètement, l’ouvrage “The Nordic Model – Embracing globalization and sharing risks” donne les caractéristiques de leur système1 :
- Une protection sociale sophistiquée conjuguée à des services publics comme la gratuité scolaire et la couverture maladie universelle.
- Des droits de propriété forts, des poursuites en cas de rupture de contrat et en général une facilitation à la création d’entreprises.
- Un régime public des retraites.
- Peu d’entraves au libre-échange combiné au partage collectif des risques (programmes sociaux, institutions du marché du travail) qui a fourni une forme de protection contre les risques associés à l’ouverture économique.
- Des niveaux de corruption bas selon l’analyse 2014 de l’ONG Transparency International, les 4 pays scandinaves étant parmi les 5 pays les moins corrompus des 176 pays évalués.
- Un fort pourcentage de travailleurs appartenant à un syndicat professionnel (69,9% pour la Finlande, 68,3% pour la Suède et 54,8% pour la Norvège). Le Danemark, la Finlande et la Suède ont tous des caisses de chômage dirigées par les syndicats.
- Un partenariat entre les employeurs, les syndicats et le gouvernement par lequel ces partenaires sociaux négocient les textes régissant les conditions de travail entre eux plutôt que d’opter pour l’imposition d’un cadre légal. Les réformes et un développement économique favorable semblent avoir réduit le chômage qui était habituellement plus élevé (au Danemark, renseignez-vous sur la flexi-sécurité 😉 ).
- Le PIB reflète des dépenses publiques très élevées. La principale raison de ces dépenses est le nombre important d’employés du secteur public : l’éducation, la santé et le gouvernement. Ils bénéficient souvent d’un emploi à vie et représentent environ un tiers de la population active (plus de 38% au Danemark). Les allocations chômage et les programmes de retraites anticipées sont élevés (90% du salaire au Danemark et 80% en Suède, en comparaison de 75% aux Pays-Bas et 60% en Allemagne).
- Les dépenses publiques pour la santé et l’éducation sont significativement plus hautes au Danemark, en Suède et en Norvège en comparaison des moyennes de l’OCDE. En échange, un service public de qualité indispensable pour assurer un rythme de vie convenable (les crèches sont disponibles sur le lieu de travail, etc).
- Le World Happiness Report 2013 des Nations Unies montre que les nations les plus heureuses se concentrent en Europe du Nord, avec le Danemark en tête de liste. Les scandinaves ont les scores les plus élevés en matière de PIB réel par habitant, d’espérance de vie, avoir quelqu’un sur qui compter, de liberté de choix de vie, de générosité et d’affranchissement de la corruption.
Si nous avions, en France, les crèches gratuites et disponibles sur le lieu de travail, des logements gratuits pour tous les étudiants en faculté (avec tous les manuels), un accès libre et gratuit aux prestations sociales et de santé, les 35 heures au travail comme au Danemark, des allocations sociales élevées, que se passerait-il ? On râlerait parce que les taxations seraient plus élevées que dans le pays voisin (qui, lui, n’aura pas tous ces services gratuits…) mais bon, on ne change pas une bonne mentalité française entretenue depuis des lustres 😉
La flexisécurité du Danemark susvisée permet une grande facilité de licenciement pour les entreprises et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés. Les chômeurs ont aussi de fortes incitations à reprendre un emploi (obligations de formation, suivi, sanctions financières, etc). En 10 ans, le Danemark a réussi à diviser son taux de chômage de moitié et le temps de chômage est très court. Pourquoi la France en serait-elle incapable ? Question de mentalité de nouveau… et de volonté, les politiques doivent bien se satisfaire des bons côtés que le taux de chômage apporte (rien que se tirer dans les pattes pour parler statistiques…).
Par ailleurs, la plupart des pays scandinaves n’ont pas de code du travail, ni de salaire minimum, ni de durée légale du travail.
Il n’y a pas de recette miracle mais si nous pouvions simplement nous inspirer de ce qui existe déjà de positif et qui a fait ses preuves, peut-être notre modèle social pourrait-il rester à la hauteur de ce qu’il était… En France, on dort sur nos lauriers parce que nous avions la primeur d’une invention ou étions pionniers dans un domaine… c’est une raison qui nous pousse à stagner pendant des décennies quitte à se faire doubler. Pourtant, nous pouvons être fiers de certains choses (le TGV, l’avortement, les congés payés, le système social)… bougeons-nous pour enfin adapter les mœurs à la ‘nouvelle’ société (accepter le mariage pour tous – moralement j’entends -, l’euthanasie, ouvrir des écoles spécialisées pour les autistes et autres maladies, etc).
La volonté d’œuvrer pour un service (privé ou public) de qualité peut mener loin. Au lieu de crier au scandale, critiquer, aller dans la rue, sans forcément savoir pourquoi d’ailleurs, avant de ne plus supporter autrui, avant de vous laisser dominer par vos idées négatives, organisez-vous, saisissez-vous et vous pourrez aller loin … comme les Islandais qui ont ‘gagné’ leur combat contre les banquiers !
Oui, l’Islande, cette petite île aussi grande que Nice, a réussi son miracle économique parce que le pays a rapidement assaini son secteur bancaire. Afin de faire face à l’explosion du secteur financier qui a pesé jusqu’à 10 fois le PIB du pays – soit 150 milliards de dollars -, le gouvernement de l’époque a pris des mesures radicales : relance monétaire, contrôle des capitaux et mise en faillite du système bancaire. Les fraudeurs de la finance ont même été condamnés et jetés en prison et les banques ont été nationalisées.
« L’État a rapidement isolé les mauvaises banques et relancé sans perdre de temps la machine du crédit, contrairement à l’Europe du sud où l’ajustement a été plus brutal et le démarrage économique plus lent ». Le PIB par habitant est même d’un quart supérieur à la moyenne des 28 États membres de l’Union européenne et les Islandais se sont remis à consommer et les entreprises à investir.
L’Islande a complètement remboursé le Fonds monétaire international et avec un peu d’avance ! 7 ans après la violente crise financière, l’Islande n’a donc plus de compte à rendre au FMI !
Sortie de la récession, le gouvernement islandais oblige, en outre, les banques à effacer une partie de la dette hypothécaire des ménages devenus surendettés. Concrètement, ces foyers n’avaient plus à rembourser qu’un montant équivalent, au maximum, à 110% de la valeur de leur bien immobilier. Le reste dû est simplement annulé.
Reykjavik met également en place un fonds qui aide les surendettés à rembourser leurs créances, fonds qui emprunte avec la garantie du gouvernement.
Tout n’est pas rose puisque le pouvoir d’achat des Islandais s’est effondré (à cause de la hausse des prix qui atteint un pic de 17 % et des dépenses publiques pour les retraites et les soins de santé rognées).
L’Etat ne veut pas non plus laisser les banques faire faillite et les laisser gérer la suite. Il place donc les établissements financiers sous sa tutelle directe (une mesure votée par la majorité et l’opposition réunies !). Il a donc le droit de les fusionner, de les mettre en faillite, etc.
Le gouvernement a recapitalisé ces nouvelles banques à hauteur de 30 % de son PIB, augmentant d’autant son endettement. Reykjavik a aussi dû réinjecter des fonds dans la Banque centrale du pays, offrir ou prêter de nouvelles garanties aux banques, recapitaliser d’autres banques à l’agonie.
Ces apports de capitaux, ajoutés à l’envolée des dépenses sociales, a plombé la dette publique islandaise, qui est passée de 28,5 % du PIB en 2008 à plus de 100 % en 2011 !
Ces dépenses devraient en partie être remboursées à l’Etat islandais puisque les banques doivent notamment lui rendre une partie de l’aide du gouvernement.
Elles ne seront capables d’en reverser qu’une partie et les pertes potentielles pour les caisses publiques pourraient atteindre 20 à 25 % du PIB.
Le fonds qui aide les ménages surendettés à rembourser leurs prêts hypothécaires pourrait coûter à l’Islande près de la moitié de son PIB !
« L’Islande a attiré l’attention des observateurs parce qu’après la crise, l’activité économique et l’emploi s’y sont redressés beaucoup mieux que dans les autres pays européens en détresse », souligne Eric Dor. A prix constant, le PIB a retrouvé son niveau d’avant crise et l’a même dépassé ! Il en va de même avec le niveau d’emploi qui s’est redressé bien mieux que dans les autres pays européens en crise. Les jeunes Islandais ont également moins fui le pays que les Grecs, Espagnols, Portugais et Irlandais.
Tout n’est pas rose néanmoins : l’Etat reste très endetté, et le gouvernement doit encore trouver une façon de lever le contrôle des capitaux qu’il a instauré dans le pays, tout en respectant les traités internationaux dont l’Islande est signataire.
La France est autant ‘capable’ que l’Islande. Pourquoi ne pas suivre son exemple ? En mettant de côté les pulsions caractérielles des citoyens et les bienfaits que l’Etat peut tirer de notre situation actuelle désastreuse, j’espère, qu’un jour, nous y arriverons !